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Interview

Joze Piranian

Photographie Joze Piranian

Spécialiste de la motivation

8 juillet 2021

"Ce n’est pas grave d’être différent, au contraire il faut assumer ce qui nous rend unique."



Joze Piranian, vous êtes un conférencier unique, élu “Personnalité Inspirante de l’année” en 2017… Racontez-nous votre parcours

J’ai grandi au Liban avec un bégaiement assez sévère et à cause de ça j’ai évité la parole pendant plus de 25 ans par peur d’être jugé par les autres. A l’âge de 18 ans j’ai déménagé à Montréal pour mes études à l’université McGill et quand j’ai déménagé je me suis imaginé que j’allais pouvoir tourner une nouvelle page dans ma vie. Cependant, j’ai vite compris que toutes mes angoisses, toutes mes anxiétés, et toutes mes insécurités m’avaient suivi jusqu’à Montréal. Donc j’ai continué à éviter la parole, d’ailleurs pendant ma deuxième année je suppliais tous mes professeurs de me dispenser de toutes les présentations orales. Puisque à chaque fois que je parlais j’avais honte d’être différent le silence m’a paru comme la seule solution. Tout à changé ces dernières années, j’ai été conférencier Ted X deux fois, j’ai gagné le prix de la personnalité inspirante de l’année en 2017 et j’ai fait du stand up dans trois continents et en trois langues. Aujourd’hui en tant que conférencier je donne des discours à propos de l’inclusion et de la résilience dans des entreprises, des conférences et des écoles à l’international.



Vous êtes né au Liban, en quoi cela a façonné votre vision du monde ?

Je vais commencer par dire que j’adore le Liban malgré tous les obstacles politiques, économiques, sociaux. Cela dit, grandir au Moyen Orient avec un handicap n’a pas toujours été facile. Certaines sociétés rendent les choses plus difficiles pour les gens qui sont différents. Il y a eu par contre plein d’avantages en grandissant au Liban, dans une famille d’origine arménienne, dont le fait de se développer avec une perspective unique sur le monde.



Vous souffrez d’un bégaiement sévère depuis l’enfance, qui vous a amené à refuser de communiquer pour ne pas vous sentir trop exclu. Qu’est-ce qui vous a permis de vous libérer de cette “peur de parler”?

Premièrement j’ai été en Angleterre à l’âge de 18 ans pour apprendre une technique de respiration pour contrôler le bégaiement. Bien que cette technique était utile, j’avais beaucoup de mal à l’appliquer parce que je n’avais pas du tout dépassé l’obstacle au niveau mental. Après avoir évité les présentations à l’oral à l’université j’ai pris la décision pendant ma dernière année de me joindre au club de discours en public et au club de débat. Malgré ce bref progrès j’ai quand même continué à être contrôlé par cette peur de parler pendant plusieurs années. Sans doute ce qui m’a le plus permis de me libérer c’était une combinaison de trois choses : le stand-up pour regagner le contrôle de mon histoire, le discours en public pour apprendre à courageusement partager ma vulnérabilité avec le monde et pour finir un exercice à travers lequel je me forçais à parler avec cent inconnus au centre commercial chaque semaine.



Vous êtes “bègue en six langues” dites-vous avec humour. Comment avez-vous réussi à maîtriser autant de langages ?

Un des plus grands atouts du Liban est la pluralité linguistique. J’ai grandi en parlant le français, l’arabe, l’anglais et l’arménien. Ensuite j’ai appris l’espagnol à la fac et en vivant à Mexico city ainsi qu'un peu de portugais pendant mon temps à Rio de Janeiro. En bégayant dans ces six langues j’ai donc la possibilité de tester la patience des gens internationalement !



Vous faites partie des grands personnages de l’Histoire qui ont pu aussi souffrir de bégaiement : de Moïse à Joe Biden, en passant par plusieurs rois de France, Napoléon, Winston Churchill, Albert Einstein, Marylin Monroe, Bruce Willis ou encore Emily Blunt… Tous ont en commun d’avoir transformé une faiblesse en une grande force, souvent en devenant d’excellents orateurs. Comment nos plus grandes peurs peuvent devenir nos plus grandes forces ?

Lorsqu’on a une très grande peur il y a une certaine décision à prendre. Soit cette peur va contrôler notre vie, détruire notre potentiel et nous remplir de regrets, soit cette même peur va agir comme prétexte de transformation. J’ai pris la première option pendant plus de vingt cinq ans avant de découvrir que dans cette faiblesse se cachait une force. Afin de convertir nos plus grandes peurs en nos plus grandes forces nous devons être prêts à faire face, continuellement, à l'inconfort.



Si vous en aviez la possibilité, via une thérapie révolutionnaire, souhaiteriez-vous de vous débarrasser de cette faiblesse-devenue-force ?

Si cette question m’avait été posée avant d'avoir eu l’opportunité d’impacter le monde avec un message de résilience et d’inclusion j’aurais sans doute accepté. Aujourd’hui c’est une décision un peu plus compliquée. Cela dit, on ne sait jamais comment on réagirait quand il s’agit d’un scénario surréaliste et fortement improbable.



Vous avez beaucoup voyagé, de votre enfance au Liban, à vos études au Canada… Quel serait le pays dans lequel vous rêveriez de vivre ?

En plus du Liban et du Canada j’ai aussi eu l’opportunité d’habiter à Mexico City et à Manhattan. En tant que quelqu’un qui aime beaucoup voyager j’ai passé de superbes moments en Amérique Latine notamment en Colombie et au Brésil. Bien que je ne sache toujours pas dans quel pays je vais vivre à long terme, j’aimerais passer plus de temps en Amérique Latine et en Espagne. Un des avantages d’être conférencier international est que ce mode de vie me permet de découvrir des endroits supers intéressants.



Si vous en aviez la possibilité, que feriez-vous pour changer le monde ?

Pour ne pas simplement dire un cliché à propos de la paix mondiale ou le climat, en effet d’autres experts sont plus qualifiés que moi dans ces domaines là, je me concentrerais plutôt sur l’amplification de ma mission actuelle. Après avoir passé plus de vingt cinq ans en étant contrôlé par la peur du jugement, ma mission est de m’assurer que chaque personne qui entend mon message se sente inspirée d’assumer qui ils sont et qu’ils entrent en action malgré l’inconfort afin de réaliser leur vrai potentiel sur Terre. Si j’avais la possibilité de changer le monde, je partagerais mon message avec un milliard de personnes ou plus !



"Afin de convertir nos plus grandes peurs en nos plus grandes forces nous devons être prêts à faire face, continuellement, à l'inconfort."

Si vous pouviez voyager dans le temps, quel conseil donneriez-vous à l’enfant que vous étiez ?

S’il était possible de parler avec Joze enfant ou adolescent, j’aurais trois conseils. Premièrement, je le rassurais que ce n’est pas grave d’être différent, au contraire il faut assumer ce qui nous rend unique. Deuxièmement, je l’encouragerais à utiliser la peur comme une boussole pour nous guider vers l’endroit où on doit aller. Au final je lui dirais de ne pas attendre un déclic qui va changer notre vie. C’est à travers des millions de micro moments de courage qu’une véritable transformation est possible.

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